Plus qu'une religion

Le 4 avril 2003, le président Jean Bertrand Aristide signa un arrêté instituant le vodou comme religion à par entière.

Le vodou n'est pas uniquement une religion. C'est en même temps une philosophie et un art de vie qui imprègne toute la vie du vodouisant du lever au coucher et dans tous les moments importants de la vie. Le vodou marque profondément la mentalité haïtienne.

Il inspire la culture populaire: la danse, la peinture, les rythmes et les chants populaires, les contes, les rituels de la vie quotidienne liés par exemple aux semailles, à la récolte, à la naissance, à la mort etc.

Quand on se trouve en présence d'un phénomène si complexe et si important pour la vie d'un peuple, il vaut la peine de prendre le temps pour essayer de comprendre ce qui est en jeu, en se distançant de la fausse connaissance fournie par les préjugés et les schémas réducteurs. Même si cette dernière démarche est plus facile et plus sécurisante.

Dès qu’on parvient à dépasser le seuil des préjugés pour aborder le phénomène vodou, on y découvre des mondes de significations. Il pénètre l’histoire et la culture du peuple haïtien, à la manière dont le ciment contribue à l’existence du mur. On ne saurait entreprendre aucun changement significatif de et dans la société haïtienne en se contentant de passer à pieds joints sur ce phénomème, comme s’il était insignifiant.

Il est permis d’avoir des appréciations différentes, voire divergentes sur les fonctions qu’exercent le vodou dans la société haïtienne, mais ce n’est pas en ignorant un phénomène qu’on l’empêchera d’exister et d’exercer des effets. Il est utile de rappeler ici le point de vue du sociologue Thomas Merton, un classique de l’analyse fonctionnelle, pour qui un même phénomène social peut à la fois exercer :

1. des fonctions et des dysfonctions,
2. manifestes ou latentes,
3. pour tout ou seulement une partie d'une formation sociale.

A titre d’amorce de débat sur cette question, on peut affirmer que le vodou a certainement exercé une fonction de lieu de resourcement et d’intégration sociale pour les esclaves de Saint-Domingue. Il ajoué un rôle reconnu par les historiens dans le déclencement de la guerre d’indépendance. Pour passer du plan sociologique à celui psychologique, voici le témoignage de Jean Léonard, un étudiant haïtien aux USA, dans une lettre adressée à sa mère en Haïti peu après qu’il eût adopté le vodou : « Je vous ai dit plus tôt que je me sentais seul et aliéné, mais la solitude s’est résorbée quelque peu. Il y a deux mois, je n’en pouvais plus avec elle. Mais maintenant, depuis que j’ai découveret les lwa, j’ai trouvé un peu de paix. » A l’inverse, les forces attribuées au vodou et à ses dignitaires peuvent exercer des effets aliénants sur la personnalité, donner lieu à des manipulations par des politiciens ou des dignitaires du vodou, épuiser les ressources économiques des pratiquants ou être à l’origine de conflits et de faits répréhensibles entre membres des communautés haïtiennes.

J’ai essayé de vous entrouvrir une des portes donnant sur ce monde mystérieux. Je vous souhaite de l’explorer à votre guise, en y faisant peut-être des découvertes intéressantes, sans préjugé ni prosélytisme.