L’alimentation salutaire : une évidence problématique

3. L’espace social alimentaire et le système alimentaire (source : Poulain; 221-244)

La notion d’espace social permet d’appréhender l’alimentation selon deux points de vue : un espace logique (culturel) et un espace physique (géographique).

L’alimentation est soumise à deux séries de contraintes :

• les contraintes biologiques (besoins nutritionnels : « pour s’assurer des apports réguliers et parce qu’il n’existe pas d’aliments

susceptibles de répondre complètement à ces différentes contraintes, le mangeur humain doit diversifier sa prise alimentaire. Il est donc biologiquement condamné à la diversité (224)»).

• les contraintes écologiques (gestion du milieu naturel pour se procurer de la nourriture : « l’alimentation inscrit les hommes dans un espace physique. Manger, c’est incorporer un territoire (224)»).

Ces espaces de contraintes ouvrent aussi des espaces de liberté : de nombreux aliments permettent de subvenir aux besoins nutritionnels et de nombreuses formes de collecte des produits alimentaires sont possibles (de la chasse-cueillette, en passant par l’agriculture et, pour le consommateur d’aujourd’hui, en allant au supermarché, etc.). Ces espaces de contraintes/libertés sont conditionnés par les systèmes de représentations des différents groupes sociaux et des individus et façonnés en conséquence.

L’espace alimentaire est constitué de sous-espaces : l’espace du mangeable et du non mangeable, le système alimentaire (ou filière alimentaire), l’espace des habitudes de consommation (rituels, règles), la temporalité alimentaire (alimentation du nourrisson, de l’enfant, de l’adolescent, de l’adulte et du vieillard ; le rythme des saisons ; les rythmes hebdomadaire, journalier), l’espace de différenciation sociale (« manger dessine les frontières identitaires entre les groupes humains d’une culture à l’autre, mais aussi à l’intérieur d’une même culture entre les sous-ensembles qui la composent (235) »).

Le système alimentaire intéresse particulièrement la santé publique, car il influence directement les modes de consommation. Cette « dimension de l’espace social alimentaire correspond à l’ensemble des structures technologiques et sociales qui, de la collecte jusqu’à la cuisine en passant par toutes les étapes de production-transformation, permettent à l’aliment d’arriver jusqu’au consommateur et d’être reconnu comme mangeable… le système alimentaire peut être représenté par une série de canaux dans lesquels se déplacent les aliments… Le « fonctionnement » des canaux est contrôlé par des individus qui agissent dans des logiques soit professionnelles, soit familiales (229-231) ».

La nourriture que nous ingurgitons voyage et peut provenir de notre cueillette (de dents-de- lion, de fruits des bois par exemple), de nos activités de jardinage, de nos achats (chez le producteur ou un distributeur) et est ensuite préparée à la maison ou alors elle provient de l’industrie, de la restauration. Elle peut être consommée soit à la maison, dans la rue, au travail ou dans un restaurant ou un fast-food. L’image ci-dessous donne une représentation du système alimentaire.
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Poulain. Les sociologies de l’alimentation. PUF, 2003; p. 232

Le système alimentaire s’est profondément transformé depuis la seconde guerre mondiale. En parallèle à la croissance de la productivité agricole, supermarchés et industrie alimentaire ont connu un essor important durant ces années et leurs produits - souvent trop salés, trop sucrés et trop gras – ont eu un impact déterminant sur la modification des modes de consommation. Ce processus s’est encore accentué depuis les années 80 et concerne aujourd’hui la planète entière. Ainsi, les cinq plus grandes chaînes de supermarchés transnationaux affichaient en 1980 leur présence dans une quinzaine de pays. En 2001, elles étaient actives dans une centaine de pays. « Cette formidable expansion et la concentration croissante de l’industrie

comptent parmi les causes et les conséquences les plus visibles de la transformation et de la consolidation des systèmes alimentaires mondiaux dans tous leurs aspects : production agricole, échanges, transformation, commerce de détail, consommation (FAO ; 19).

4. L’évolution des habitudes alimentaires
5. Du paradoxe de l’homnivore à la gastro-anomie
Bibliographie

Claude Bezençon. Avril 2005

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