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  Gingerbread, Patrimoine national
Typiquement haïtiennes, les maisons au style gingerbread ou pain d’épice sont apparues dans le pays à la fin du 19e siècle. Exclusivement en bois, au début, puis en maçonnerie, elles sont souvent désignées sous l’appellation de maisons tarabiscotées, en raison des multiples dessins ornant notamment leur façade. Cependant, supplantées par les constructions en béton et en raison du coût élevé de leur réfection, ces maisons sont actuellement en voie de disparition.
Le gingerbread, un patrimoine architectural en péril

                                 

Construites sur de grands espaces, avec des jardins de fleurs, les maisons au style gingerbread ont surtout été adoptées par les personnes ayant une assez bonne situation économique et financière. C’était, si l’on en croit l’architecte Michel Doret, « la villa des gens appartenant aux élites ».

La première maison de ce style remonte à 1897. D’autres vont suivre jusqu’à s’imposer non seulement dans la capitale, mais aussi dans d’autres villes du pays, notamment au Cap-Haïtien. Exclusivement en bois au début, la conception des maisons au style gingerbread connaîtra une évolution. Le bois va être allié avec la maçonnerie, ornée de dessins en triangle.

Une architecture spécifiquement locale

Créé par des ingénieurs haïtiens venant de France à la fin du 19e siècle, ce style architectural gingerbread se pose en rupture d’avec l’architecture traditionnelle perpétuée par les « conducteurs » des travaux de construction. Ces derniers répétaient les projets et le design de l’époque coloniale. Et comme en témoigne M. Doret, « le gingerbread est un style local qui dénote seulement une certaine filiation franco-suisse ».

Tout en présentant une certaine similitude avec d’autres styles architecturaux, le gingerbread garde ses particularités propres. En effet, souligne l’architecte Michel Doret, « on a le sentiment qu’on le voit ailleurs par exemple en Louisiane, (Etats-Unis), à la Jamaïque, à Trinidad mais on y voit pas la même chose. On le confond avec des maisons au style victorien ».

D’ailleurs, même les maisons de Jacmel, ville du Sud-Est d’Haïti, selon M. Doret, ne rentrent pas dans la catégorie de maisons gingerbread. « Elles sont qualifiées à tort de maisons gingerbread. Ce sont des maisons en métal, dépourvues de cour. Ceci est totalement différents du style gingerbread où les maisons en bois, ornées de dentelures en bois également et dotées de grandes cours », explique-t-il.

L’architecte a en effet fait remarquer que l’apparition du style victorien, dans la zone, est beaucoup plus tardive. Il reconnaît une certaine ressemblance entre ces deux styles mais elle se limite à la décoration de la toiture des maisons. « Ces maisons ont en commun des toitures ornementales de formes exubérantes, conditionnées d’éléments pyramidaux. Là s’arrête, cependant, la comparaison. Le design, la structure du gingerbread diffèrent totalement », souligne-t-il.

En effet, les maisons gingerbread sont dotées de grandes galeries entourant de grands salons. Tandis que ces derniers servent à accueillir les réunions mondaines, les galeries latérales et frontales servent plutôt à « recevoir la brise destinée à combattre la chaleur et rafraîchir la température interne ». En raison de leur température plus clémente, elles représentent l’espace de prédilection pour recevoir les visiteurs.

Ces maisons disposent, en outre, de pignons, de balcons en bois travaillé, de grandes portes et fenêtres avec des persiennes en bois fixes ou ajustables. La façade, ornée de dentelures dans des boiseries, comporte des croisillons ou poutrelle de bois divisés par des surfaces en mortier. Par ailleurs, il s’agit de maisons surélevées dont l’entrée est accessible au moyen d’escaliers de forme monumentale. Ces derniers étaient non seulement des éléments décoratifs mais servaient également à protéger les maisons contre le ruissellement des eaux pluviales, à un moment où la canalisation était quasi-inexistante.

Héritage de l’époque coloniale, la cuisine, la buanderie et les services afférents, logés au fond de la cour, sont séparés de la maison. Cependant, note l’architecte, « dans le style victorien, ces éléments sont intégrés aux maisons ». Bref, le style gingerbread comporte des caractéristiques propres. Donc, un ensemble de « distinctions » qui, de l’avis de Michel Doret, font du gingerbread « une spécificité haïtienne ».

Un patrimoine en danger

Ces maisons, qui ont connu leurs heures de gloire pendant la première moitié du 20e siècle, sont en voie de disparition. Les quelques unes qui subsistent encore sont, en majorité, dans un état de délabrement. Etant en bois, leur durée de vie est limitée car elles ne résistent pas indéfiniment aux intempéries et aux actions des termites. Elles ont tenu un siècle, elles auraient dû pouvoir durer davantage. Cependant, leur entretien coûte trop cher. Le bois étant maintenant plus rare, les travaux de réfection deviennent très coûteux.

La quasi-disparition du style gingerbread résulte également de l’adoption de normes modernes de construction. Aussi, le béton offre-t-il des possibilités de plus grandes constructions et sur de plus grands espaces. A cela s’ajoute l’absence de mesures politiques tendant à conserver ce patrimoine national. D’où des utilisations qui accélèrent leur dégradation ou leur fréquente démolition au profit des constructions en béton.

Les tentatives de faire évoluer le gingerbread, du bois et de la maçonnerie, vers le béton armé, demeurent très timides. De plus, ces nouvelles maisons ne disposent plus de toutes les caractéristiques traditionnelles du gingerbread. Pour M. Doret, « c’est un changement radical, le style a disparu ».