1914 - 1949
Fleur fauchée avant ses meilleures promesses. Ainsi pourrait se résumer la courte, mais combien brillante carrière de Denyse Guillaume.
Quand, deux ans après sa naissance à Paris, Denyse se retrouve en Haïti, c'est pour se voir offrir plus tard, ainsi qu'il sied à toute jeune fille de bonne famille, ce cycle à l'époque bien vu d'études des sœurs de Saint-Joseph de Cluny, où, ne tardant, du reste, pas à se distinguer par les nombreux prix qu'elle remporte, elle ne manquera naturellement pas, son brevet supérieur achevé, de se voir confier l'éducation des petites. Autour de cette époque également semblent prendre fermement place des préoccupations qui, dans ces sillons assidûment labourés que constitue l'action sociale, la verront faire ses premières armes avec les Pupilles de Saint-Antoine, expérience d'un profit inestimable pour la secrétaire générale de la Ligue féminine d'action sociale qu'elle est appelée plus tard à devenir.
Sa vraie soif pourtant ne sera connue qu'en 1936. En effet, l'accès étendu à un niveau d'études supérieur à celui routinier du brevet, rendu, pour la première fois, possible aux jeunes filles par la fondation deux ans auparavant du Centre d'Etudes Universitaires(1), Denise, que ne laisse de tourmenter un irrépressible besoin d'horizons neufs et de savoir, n'hésite aucunement à résigner son poste d'institutrice pour entreprendre ses humanités. Cinq ans plus tard, en 1941, lauréate des trois années consécutives qu'elle passe à l'École de Droit, elle ne manquera pas à sa sortie de voir sa ténacité, honorée cette fois-ci, d'une offrande florale, symbole de l'unanime et chaleureux hommage de ses condisciples.
C'est alors que, prenant sa vraie mesure, l'implication de Melle Guillaume va se réveler, pour ainsi dire, des plus efficaces et bénéfiques. Au tribunal de Cassation où elle remplit avec une étonnante acuité la fonction de commis greffier, elle profitera de ses contacts pour ménager, entre les instances concernées et le groupe qui, à la Ligue féminine d'action sociale et à la Ligue de protection de l'enfance, se préoccupe de tels problèmes, les entrevues indispensables et le pont d'échanges favorable à l'amélioration de la situation des enfants détenus qu'elle prend un soin extrême, il faut aussi le dire, de visiter personnellement dans leur geôle, les signalant à l'occasion aux œuvres et aux commissaires. A sa nomination en 1946 au Bureau du Travail, nouvellement organisé, elle jouera un rôle prépondérant dans la mise sur pied de la Section de la Femme et de l'Enfant dont lui avait été confiée l'élaboration des bases légales et saura encore une fois mettre à profit son poste privilégié pour, de concert avec ses compagnes de la Ligue, entreprendre avec sérieux la formulation des textes de législation sur l'Apprentissage et sur l'Enfance en domesticité. Ce travail primordial qu'elle initie alors verra sa continuité assurée par d'autres jeunes femmes telles Janine Lafontant-Nelson.
Entre-temps, loin de dédaigner l'action directe, Denyse offrira chez elle, à l'intention de fillettes et adolescentes, des cours particuliers destinés à les préparer au certificat d'études, au brevet simple et au brevet supérieur. Elle assistera egalement le couple Dartigue dans l'expérimentation des méthodes nouvelles d'enseignement, dirigera un groupe d'études au Foyer ouvrier de la Ligue tout en collaborant à La Voix des Femmes et à La Forge.
Le 1er novembre 1949, une forte fièvre, rapporte-t-on, mettra fin inopinément à l'ardent et remarquable engagement de cette jeune femme de 35 ans.
Tiré de: Jeanne Sylvain, Denise Guillaume, dans Femmes haïtiennes, op.cit. p244.
1) Le Centre d'etudes universitaires, premier cours secondaire mixte de Port-au-Prince, a été fondé en 1934 par le couple Bourand, la femme, Anne-Marie Lerebours.
Texte de CLAUDE-NARCISSE, Jasmine (en collaboration avec Pierre-Richard NARCISSE).1997.- Mémoire de Femmes. Port-au-Prince : UNICEF-HAITI
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