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La guerre contre Saint-Domingue ayant été décidée, le gouvernement consulaire, qui comptait beaucoup sur l'appui des officiers mulâtres et noirs, appela ceux qui se trouvaient en France sous les drapeaux de l'armée expéditionnaire. Pétion y entra comme adjudant commandant. Après la soumission de Toussaint Louverture, en mai 1802, il fut chargé de pacifier les hauteurs des Verrettes et de l'Archaïe (septembre 1802), et de soumettre Jasmin, Sansouci, Petit-Noël et Macaya, indomptables Africains qui, dans les mornes du Nord, luttaient encore et persistaient à ne point vouloir déposer les armes.
Mais la population indigène de Saint-Domingue s'aperçu vite que, sous des semblants de pacification, l'expédition française n'avait en réalité d'autre but que de rééditer l'Ancien Régime: on apprit, par des fugitifs échappés des frégates transformées en prisons, que l'esclavage avait été rétabli à la Guadeloupe sur des monceaux de cadavres.
A cette terrible nouvelle, Pétion donna le signal de la révolte, le 13 octobre 1802. A la tête de cinq cent cinquante hommes il marcha contre le principal poste français du Haut-du-Cap, le cerna, le fit désarmer et sauva quatorze canonniers que les siens voulaient égorger : l'armée des « indépendants » était formée. Les généraux Geffrard, Clervaux et Christophe, vinrent se joindre à Pétion qui, toujours plein d'abnégation, céda au dernier le commandement de l'insurrection.
Dégoûté pourtant de servir sous ce chef hypocrite et féroce, il ne tarda pas à aller se placer sous les ordres de Dessalines qui, après lui avoir vainement offert le commandement suprême de l'armée, le nomma général et lui confia l'Ouest de l'île.
C'est pendant qu'il occupait ce poste qu'il répondit au général Lavalette, qui lui proposait une amnistie générale et la promesse du non-rétablissement de l'esclavage : « Il est trop tard, nous avons résolu de vivre libres et indépendants ou de mourir. » Sa tête fut mise à prix par Rochambeau pour cinq cents portugaises ; ce qui ne l'empêcha pas de continuer son oeuvre de délivrance : il battit le général Kerverseau dans la plaine de Mirebalais (mai 1803), rallia les débris des corps des généraux Gabart et Cangé, mis en déroute par Lavalette, et entra le 16 octobre 1803 à Port-au-Prince après un siège au succès duquel il avait largement contribué. Le 4 décembre 1803, les débris de l'armée de Saint-Domingue évacuaient l'île, et le même jour le drapeau de l'indépendance flottait sur le Môle Saint-Nicolas.
Averti par Christophe des préventions de Dessalines contre lui, il le fera assassiner le 17 octobre 1806. C'est aussitôt après que commence la guerre entre Christophe et Pétion : Christophe, qui avait été nommé chef provisoire du gouvernement, arbora dans le Nord le drapeau de la guerre civile, pendant que dans l'Ouest, à Port-au-Prince, on proclamait la république ( 27 décembre 1806 ).
Pétion, que l'assemblée chargea d'aller combattre Christophe, perdra contre lui la bataille de Sibert, le 1er janvier 1807. Deux mois après, le Sénat nommait Pétion président de la République d'Haïti ( 10 mars ). Mais des conspirations nombreuses contre sa personne et contre son gouvernement l'obligeront à dissoudre le Sénat et à régner en dictateur.
La guerre fratricide de Christophe, marquée par des alternatives de succès et de revers pour Pétion, continuait encore quand arriva de France en Haïti (avril 1810) l'ancien rival de Toussaint Louverture, le général André Rigaud. Pétion accueillit son compagnon d'armes comme un frère, mais celui-ci ne voulut pas rester au second plan : profitant de l'influence qu'il exerçait sur les populations du département du Sud, dont le commandement lui avait été confié, il se déclara indépendant et opéra une scission qui eût pu tuer la jeune république, sans la sage prudence de Pétion, qui évita toujours de commencer une autre guerre civile. Il fut l'année suivante réélu président par un sénat composé de cinq membres tout à sa dévotion.
il posa les bases des arrangements pris avec la France, pour la reconnaissance de l'indépendance et de la souveraineté d'Haïti. En 1816, il élabora pour la République haïtienne une constitution modèle
Bolivar trouva en Pétion un puissant appui, lors de l'affranchissement des colonies espagnoles de l'Amérique du Sud.
C'est également lui qui partagea les terres des plantations confisquées aux Français entre les paysans haïtiens. Il mourra à Port-au-Prince, le 29 mars 1818, d'une fièvre putride et maligne.
SOURCES : MELVIL-BLONCOURT in Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours ( .. ), sous la direction de M. le Dr HOEFER, Paris, Firmin Didot Frères, 1863, t. XXXIX, pp. 701-704 ; Edgar LA SELVE, Professeur de rhétorique au Lycée National Pétion de Port-au-Prince, «La République d'Haïti, ancienne partie française de Saint-Domingue», in Le Tour du Monde, nouveau journal des voyages publié sous la direction de M. Édouard Charton et illustré par nos plus célèbres artistes, Librairie Hachette et Cie, Paris 1879, vol. XXXVIII, 2e semestre, 975e livraison, pp. 194-196 ; Les hommes d'État célèbres, t. 5, De la Révolution française à la Première guerre mondiale, ouvrage publié sous la direction de François Crouzet, éd. Mazenod, Paris, 1975, pp. 651-652.
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