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L'ancien chanteur pop Michel Martelly, alias "Sweet Micky", a prêté serment comme président samedi en Haïti, un pays ravagé par une pauvreté endémique et qui peine à se relever du séisme dévastateur du 12 janvier 2010. La cérémonie s'est tenue devant les élus de l'Assemblée nationale dans un bâtiment préfabriqué érigé à l'emplacement de l'ancien Parlement, détruit par le tremblement de terre. Sans expérience des affaires publiques, Martelly, 50 ans, connaît les attentes de la population et a promis de consacrer tous ses efforts à la reconstruction et à la croissance.
Michel Martelly, nouveau président d'Haïti

14 mai 2011           
                                 

PORT-AU-PRINCE, Haiti — L'ancien chanteur pop Michel Martelly, alias "Sweet Micky", a prêté serment comme président samedi en Haïti, un pays ravagé par une pauvreté endémique et qui peine à se relever du séisme dévastateur du 12 janvier 2010. La cérémonie s'est tenue devant les élus de l'Assemblée nationale dans un bâtiment préfabriqué érigé à l'emplacement de l'ancien Parlement, détruit par le tremblement de terre. Sans expérience des affaires publiques, Martelly, 50 ans, connaît les attentes de la population et a promis de consacrer tous ses efforts à la reconstruction et à la croissance.

Dans une interview début avril à Reuters, il disait vouloir faire d'Haïti une "success story" des Caraïbes, qui ferait oublier "l'État des ONG". "Avec mes talents de communicateur, j'espère être en mesure d'inspirer la population pour la guider sur la bonne voie", affirmait-il. "Ce sont surtout les jeunes déshérités des zones urbaines qui attendent beaucoup de lui, et vite, mais il aura du mal à tenir ses promesses", estime Robert Maguire, directeur des affaires haïtiennes à la Trinity University de Washington.

Martelly prend ses fonctions dans des conditions difficiles : des centaines de milliers de survivants du séisme de janvier 2010, qui a fait 300 000 morts, attendent toujours des logements décents et du travail, et une épidémie de choléra a coûté la vie depuis l'automne dernier à près de 5 000 personnes. Pour appliquer sa politique, "Sweet Micky" doit s'appuyer sur des structures étatiques traditionnellement faibles, minées par la corruption et le favoritisme, et une administration aux effectifs décimés par le tremblement de terre.

Aide internationale

"Depuis la chute de la dictature de Duvalier (en 1986), mettre sur pied un gouvernement efficace s'est révélé une gageure, quel qu'ait été le président", dit Mark Weisbrot, codirecteur du Center for Economic and Policy Research, un groupe de réflexion dont le siège est à Washington. "Par le passé, l'État a exploité la population. Les fonctionnaires se sont enrichis. Ils ont perdu le sens du service de la nation. La fonction publique signifie être au service de la population", reconnaissait Martelly le mois dernier.

Il met en avant ses liens privilégiés avec la population mais devra tenir compte d'un Parlement dominé par les députés et sénateurs de la coalition "Inite" du président sortant René Préval, qui ne pouvait briguer un nouveau mandat. "Il devra faire preuve d'une grande habileté politique en concluant des accords avec les autres partis, en premier lieu Inite", souligne Michael Shifter, président de l'Inter-American Dialogue, un autre groupe de réflexion à Washington.

Après les turbulences politiques entre les deux tours de la présidentielle, la communauté internationale, qui maintient plus de 12 000 casques bleus à Haïti, semble décidée à soutenir le nouveau chef de l'État. "Il y a toujours beaucoup de bonne volonté envers Haïti et tout le monde souhaite la réussite de Martelly, même s'il y a aussi parfois un peu de lassitude", dit Michael Shifter. L'aide internationale, essentielle au relèvement du pays, représente les deux tiers du budget de l'État. Plus de dix milliards de dollars ont été promis après le séisme, mais l'aide peine à se matérialiser et le chef des opérations de la Minustah, Edmond Mulet, dont le mandat arrive à sa fin, a lancé un nouvel appel cette semaine aux pays donateurs.

Rétablir l'armée haïtienne ?

Martelly a promis de prendre des mesures pour attirer les investissements, notamment dans des projets d'infrastructures et de tourisme. Le maintien de la sécurité est également une de ses priorités. Dans ce rôle, la police haïtienne est appuyée par les casques bleus, que certains Haïtiens considèrent pourtant comme une force d'occupation et accusent d'être à l'origine de l'épidémie de choléra. La semaine dernière, les experts mandatés par les Nations unies ont confirmé l'hypothèse d'une souche d'Asie du Sud à l'origine de la maladie tout en évitant d'accuser les casques bleus népalais mis en cause par la population locale. Martelly a proposé de rétablir l'armée haïtienne, trop impliquée par le passé dans la vie politique et dissoute par le président Jean-Bertrand Aristide au milieu des années 1990. En raison de la situation économique du pays, son idée suscite de nombreuses réserves, notamment au sein du Congrès américain.

Martelly a aisément remporté le 20 mars, avec 67,57 % des voix, le second tour de la présidentielle face à l'ancienne "première dame" Mirlande Manigat, 70 ans. Le premier tour, le 28 novembre dernier, avait été marqué par des accusations de fraude et des manifestations parfois émaillées de violences. "Sweet Micky" est un musicien très connu, star de la Kompa, qui mêle les rythmes afros et latinos. Parfois fantasque et provocateur sur scène, ce néophyte en politique a attiré des foules importantes à ses meetings, notamment parmi les jeunes. Le nouveau chef de l'État est issu du parti Repons Peyizan, dont le message aux accents populistes et anti-establishment prône la justice sociale.