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Le carnaval, fête de la gaieté et de la joie. Harmonie des couleurs. Toute la gamme des teintes vives défilent sous les yeux. Ce monde chatoyant porte à croire qu'effectivement les nègres aiment les coloris frappants et étincelants. Tout le monde vit dans la même euphorie. Les groupes sociaux se fusionnent dans le même enchantement. C'est la vraie communion qui crée une camaraderie passagère parce qu'on exécute ensemble les mêmes gestes et que l'on tend vers le même but : le plaisir. Cependant, les parents y voient une source de perversion. A leur avis, la perversion est représentée par toute extériorisation de tendances sexuelles. Le carnaval corrompt parce qu'il libère. Cette conception est à la base de notre morale, de la morale chrétienne. Mais, si les parents étaient plus objectifs, ils découvriraient les côtés positifs de cette coutume si profondément ancrée dans les mœurs haïtiennes.

La société puise sa survie dans une contrainte imposée à ses membres dans le but de leur inculquer des réflexes, des normes, des valeurs qui doivent être les moules de tout comportement. Cette socialisation se réalise aux dépens de toute spontanéité, de toute liberté de l'individu. Eduquer, c'est partiellement inhiber ou orienter certains instincts, certaines tendances qui sont, ou bien des facteurs de désagrégation ou bien considérés arbitrairement comme immoraux.

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Malgré cet asservissement, il n'est pas question d'éliminer les règles sociales utiles à la cohésion. Il est plutôt question de rendre cette socialisation supportable, en aménageant certaines circonstances qui permettent à l'homme de manifester des tendances de base refoulées si énergiquement.

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Le carnaval est une de ces circonstances qui donnent la possibilité à l’haïtien, surtout aux adolescents, d'oublier les censures sociales et d'exprimer sans fard les obsessions nées du respect ou de l'introjection trop rigide de certains tabous sociaux. La saison du carnaval est la période où l'hypocrisie s'estompe.

On s'étonne que le sexe soit le thème principal de tout refrain carnavalesque. Cela se comprend quand on sait que la tendance sexuelle est la plus grande victime de la censure sociale parce que la plus refoulée. Un gaz comprimé explose en brisant les parois du vase qui le contient avec d'autant plus de force et d'autant plus de violence. L'action est égale à la réaction. Cette loi vaut également pour l'explication des phénomènes sociaux.

Les manifestations sexuelles, effet de la contrainte, ont pour but de se venger de la société par l'intermédiaire des parents qui sont les principaux agents de la socialisation. Cette vengeance consiste à opposer à l'esprit puritain des mots et des comportements taxés d'obscènes. C'est aussi le propre des adolescents, dans leur crise de développement et à la recherche d'une personnalité de se poser en s'opposant.

Jean-Baptiste CINEASTE (romancier Haïtien) a bien décrit ces déhanchements, ces contorsions, ces Erreurs ! Source du renvoi introuvable, dans un de ses ouvrages : "l'Héritage Sacré". Il reste perplexe devant le fait que des auditoires manifestent du mécontentement à l'audition d'un poème ou d'une romance de bon goût et qu'ils exultent à entendre des grivoiseries. La réponse est pourtant bien simple. Ils ne s'intéressent pas aux chansons qui traitent de valeur ou de ce que l'homme devrait être, mais ils sont attirés par les versions qui traitent de ce qu'ils sont, c'est-à-dire un bloc de sexualité. La « meringue carnavalesque », si elle n'est pas entachée de sexualité est vite transformée par les participants.

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La sexualité est presque toujours liée à des instincts d'agressivité et de mort. Les bousculades, « les Erreurs ! Source du renvoi introuvable », en sont la preuve. Le sadisme, plaisir à subir ou à faire subir autrui, est évident dans l'attitude des garçons qui racontent avec satisfaction les prouesses dans ce domaine.

Le masochisme, cette forme de perversion rencontrée au niveau de la sexualité notamment et qui fait rechercher le plaisir dans la douleur, peut-être retrouvé dans cet engouement à se fatiguer jusqu'à l'évanouissement et à supporter sans broncher les rudes coups de poing des autres.

Les déguisements pourraient être interprétés à la lumière de la psychanalyse. Un participant peut réaliser ce qu'il ne peut pas être dans la réalité. Des hommes se transforment en femmes, d'autres se métamorphosent en bébés avec biberons à la main. Certains se fabriquent un pénis de belles dimensions en toile qu'ils placent au bon endroit pour traduire, sans le savoir ou vouloir (niveau inconscient) leur impuissance sexuelle ; l'obsession d'avoir un petit pénis ou la croyance que le gros confère à son possesseur la puissance phallique.

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On pourrait rétorquer que cette explication est trop catégorique et simpliste, mais, ces hommes, étant censés être libres pourquoi ont-ils fait ce choix ?

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Les psychiatres et les psychologues, pour déceler ou identifier les problèmes ou les obsessions de leurs patients, leur demandent souvent de donner libre cours (niveau verbalisation) à leurs désirs, pensées, fantasmes. Cette pratique provoque une libération comme un épanchement ordinaire à un confident produit un soulagement. Les dessins des malades et l'interprétation et l'explication par ces derniers de motifs n'ayant aucune forme bien nette, aident les psychothérapeutes à découvrir les causes ou l'étiologie des affections mentales.

N'y a-t-il que de la brutalité dans le carnaval ? Certainement pas. On protège les plus faibles, les amis. C'est une ambivalence naturelle de la sexualité. On veut détruire en même temps que l'on veut conserver. Cette contradiction se remarque dans le besoin de la présence de l'autre (conservation) pour assouvir son agressivité (destruction). HEGEL, par sa "Dialectique du Maître et de l'Esclave) avait bien compris cette ambivalence dans les rapports humains.

Les parents font toujours remarquer que cette propension à déclamer des stéréotypes sexuels n'existait pas tellement à leur époque. Un adulte de vingt cinq ans affirmerait avec autant de vérité que dans son enfance la sexualité ne dominait pas de façon verbale le carnaval. Les participants répétaient avec force les noms de leurs groupes (groupe musical), mais ils exprimaient la sexualité par des images ou des caricatures. La société était donc satisfaite puisque toujours elle ne veut pas qu'on en parle.

Ce changement provient du fait que les enfants commencent à ne plus croire que la sexualité est vile, dégradante, malsaine ou antireligieuse. Cette nouvelle conception provient de la diffusion, par les médias, des découvertes de FREUD sur la sexualité et surtout de ses effets sur le comportement de plusieurs peuples qui nous sont souvent donnés en exemple dans les livres d'éducation sexuelle et dans des films.

Le carnaval rétablit chez l'individu l'équilibre psychique rompu par les constants stress subis tout au long de l'année. Afin de diminuer le nombre de ces refoulements, les parents ont intérêt à changer d'attitude envers les enfants en cessant de considérer tout ce qui a rapport avec le sexe comme symbolique du péché. Il faudrait de préférence qu'ils informent les enfants de tous les aspects de cette sexualité qui est en réalité ni morale, ni immorale. C'est peut-être la meilleure manière de ne plus faire du sexe la principale obsession des jeunes.

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Wilson ANDRE

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