Constat d'échec

Voyage autour de l'Afrique

Marché de Ouahiguya - Burkina-Faso

Comme bon nombre d'Haïtiens et d'Antillais, l'Afrique a toujours été une destination, un chemin que de par mes origines, je voulais emprunter. Dans mon esprit ce parcours vers le pays de l'ancêtre était un passage obligatoire.

Un voyage que je me devais d'effectuer tôt ou tard par respect pour cet ancêtre inconnu, qui un jour s'est vu catapulté dans un monde étranger et cruel mais dont il a eu raison et a su dompter. Cet homme, cette femme, pour avoir survécu à ce passage ô combien meurtrier était définitivement hors du commun. Un jour donc, je devais fouler sa terre natale. Lui rendre hommage. L'exalter en quelque sorte.

De plus, qui peut rester indifférent à la dialectique de ce continent qui dans ses tourmentes, ses misères et ses soubresauts attire ou repousse mais demeure troublant et fascinant?

Il est tout simplement difficile de rester indifférent aux problèmes auxquels L'Afrique fait face. Ces problèmes sont d'autant plus insupportables pour celui qui puise ses origines directement dans ce continent. Il doit inéluctablement faire face à une série de questions qui se posent. Pourquoi et comment ces troubles et ces problèmes ? Y a-t-il une solution à la déroute dans laquelle se débat ce continent ? Est-ce pour bientôt le renouveau ? Du Rwanda à la République Centrafricaine, du Nigeria à l'Afrique du Sud, ces questions n'ont eu que des réponses partielles et pour la plupart insatisfaisantes.

Ces voyages ont, au contraire, suscité davantage de questions. Du génocide rwandais à la corruption généralisée, de l'anarchie centrafricaine à la société divisée de l'Afrique du Sud, ces questions hantent et troublent.

De tous les exemples cités ci-dessus, l'Afrique du Sud est le pays qui suscite un élan d'espoir. Mais lorsqu'on observe la fracture qui perdure entre la minorité blanche et la majorité noire, le doute persiste. La première riche, la seconde pauvre coexistent dans un pays dont les blessures du système de l'apartheid restent encore fraîches et douloureuses.

Le départ du pouvoir de Nelson Mandela, qui incarne le mouvement de la réconciliation, du pardon, du renouveau et qui a su éviter que le pays ne plonge dans une guerre fratricide est un test pour le pays de l'arc-en-ciel.

Qu'adviendra t-il de l'Afrique du Sud à présent ? Le succès réside dans la capacité du gouvernement Mbeki à réduire le gouffre qui existe entre ces deux mondes. Nul ne doute des capacités technocrates de Thabo Mbeki. L'homme a fait ses preuves parait-il. La question est de savoir s'il réussira ce pari. Qu'il échoue et l'Afrique du Sud risque de se retrouver dans le même précipice dans lequel une majorité des pays africains languissent.

Certains pays africains risquent, je le crains, de vivre des moments difficiles au 21e siècle. Le génocide rwandais a fracturé plus que jamais la société rwandaise qui demeure traumatisée.

L'incapacité des leaders politiques africains à résoudre d'une manière cohérente et pragmatique des problèmes essentiels, n'augure rien de prometteur. La lignée de dictateurs semble avoir de beaux jours devant elle. L'ingérence de la France n'ajoute que confusion aux difficultés existantes quand elle ne les génère elle-même.

Ces pays abondent de toutes sortes de richesses, humaines et naturelles, mais persistent à régresser.

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Qu'en est-il d'Haïti

Marché de Lassalines à Port-au-Prince

Premier pays noir à s'être mis debout, Haïti demeure un échec.

Au seuil du 21e siècle, nous Haïtiens, persistons dans la seule chose que nous ayons réussi à faire jusqu'à présent; nous autodétruire et détruire notre pays.

Pourtant, ce petit pays avait, et peut-être a encore, un certain potentiel que nous n'avons jamais pu ou su capitaliser. Bien sûr, l'on me dira que le grand frère américain, dans sa domination de l'hémisphère nord, voire du monde, a bien contribué à certains de nos malheurs, j'en conviens. Il reste que nous, Haïtiens, avons notre responsabilité dans l'échec d'Haïti.

On ne peut qu'espérer un meilleur 21e siècle, puisqu'il me semble difficile d'aller plus bas. Ce constat est sévère, mais je crois, qu'au moment où l'on se prépare à fêter les 200 ans de la Révolution haïtienne, il faudra faire un bilan rigoureux, sans fard, pour ne pas rater ce nouveau siècle.

Emmanuel koenismark Réjouis

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